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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

— Tom, il fera peut-être nuit alors — verra-t-on que nous ne sommes pas là ?

— Je ne sais pas. En tout cas, ta mère le verra bien dès que les autres seront de retour.

Le visage effrayé de Becky avertit Tom qu’il venait de commettre une bévue. Becky devait passer la nuit chez Mme Harper ! Les deux enfants devinrent silencieux et songeurs. Bientôt une soudaine exclamation de Becky apprit à Tom que la même pensée les avait frappés tous deux. La matinée du dimanche pourrait être à moitié écoulée avant que Mme Thatcher apprît que sa fille n’était pas chez les Harper. Les enfants demeurèrent les yeux fixés sur leur dernier bout de chandelle qui fondait impitoyablement. Ils virent un demi-pouce de la mèche rester collé au mur ; ils virent la flamme s’élever et s’abaisser, se couronner d’une mince colonne de fumée, onduler un instant — puis l’horreur de l’obscurité absolue régna autour d’eux.

Combien de temps s’écoula-t-il avant que Becky revînt lentement à elle et reconnût qu’elle pleurait dans les bras de Tom ? Ni l’un ni l’autre n’aurait pu le dire. Tout ce qu’ils savaient, c’est qu’après une longue torpeur ils reprenaient conscience de leur situation. Tom dit qu’il devait au moins être lundi et que l’on ne tarderait pas à les rejoindre. Il s’efforça de faire parler Becky ; mais elle était trop abattue et lui répondait à peine. Il répéta que les chercheurs ne pouvaient être loin. Il fallait les mettre sur la voie. Il se mit à crier de toute la force de ses poumons ; mais les échos lointains résonnèrent d’une façon si lugubre dans les ténèbres qu’il ne recommença pas.

Les heures s’écoulaient, et la faim vint de nouveau tourmenter les captifs. Tom divisa un morceau du plum-cake qu’il avait conservé ; mais la part de chacun fut si petite qu’elle ne servit qu’à aiguiser l’appétit.

Au bout de quelque temps Tom s’écria :