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LES RÉVÉLATIONS DE HUCK.

Becky se leva et déclara qu’elle essayerait d’espérer encore, qu’elle le suivrait, pourvu qu’il ne parlât plus ainsi, car le blâme retombait sur elle autant que sur lui.

— C’est moi qui t’ai entraîné, dit-elle.

Ils se remirent donc en route, errant sans but, au hasard. Un moment l’espérance parut renaître, non qu’il y eût la moindre raison pour être plus optimiste, mais la jeunesse est lente à se décourager.

Au bout de quelque temps Tom prit la chandelle de Becky et l’éteignit. Cette précaution donnait beaucoup à entendre. Les paroles étaient inutiles. Becky comprit et elle se désespéra de nouveau. Elle savait que Tom avait dans sa poche une chandelle entière et plusieurs bouts de chandelle — néanmoins il fallait économiser !

Bientôt la fatigue commença à se faire sentir. Les deux enfants essayèrent de lutter contre elle, car on ne pouvait songer sans terreur à s’asseoir alors que le temps devenait si précieux. Se mouvoir dans une direction quelconque, c’était avancer, et qui sait ? S’asseoir, c’était inviter la mort et abréger sa poursuite.

Enfin les jambes de Becky refusèrent de la porter plus loin. Elle s’assit en pleurant. Tom s’installa à côté d’elle et essaya de trouver un moyen de la consoler ; mais tous ses encouragements étaient usés jusqu’à la corde à force d’avoir été répétés — ils avaient presque l’air de railleries. Becky était si lasse, qu’elle s’endormit. Tom contempla ces traits tirés qui reprenaient leur sérénité sous l’influence de songes heureux, et ses pensées l’emportèrent loin de la cave. Il commençait à s’assoupir lui-même lorsque Becky se réveilla, un sourire sur les lèvres ; mais le sourire disparut dès qu’elle eut ouvert les yeux et elle poussa un gémissement.

— Comment ai-je pu dormir ! s’écria-t-elle. J’oubliais où nous étions et je voudrais ne m’être jamais réveillée… Non, Tom, ne pleure pas, je ne le dirai plus.