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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

par entendre au moins le bruit de la cascade. Bien que ses paroles fussent toujours rassurantes, le ton de sa voix trahissait une épouvante secrète. Lorsqu’il disait : All right, Becky comprenait que ces mots signifiaient « tout est perdu ». Malgré son effroi, elle marchait bravement à côté de son compagnon et s’efforçait de retenir ses larmes.

— Ô Tom, dit-elle enfin, ne t’inquiète pas des chauves-souris ; retournons par ce chemin-là. Nous avons l’air de descendre encore au lieu de remonter.

Tom s’arrêta.

— Attends un peu et écoute, dit-il.

Le silence était si profond qu’il leur permettait presque de distinguer le bruit de leur respiration. Tom lança un ohé ! ohé ! à tirer les morts de leur sommeil. L’appel descendit la galerie vide en réveillant un écho qui ressemblait à un éclat de rire moqueur.

— C’est horrible, Tom ; ne recommence pas ! s’écria Becky.

— Oui, c’est horrible ; mais ils pourraient nous entendre.

Ce ils pourraient n’avait rien de rassurant. Tom lança un second appel qui n’eut pas de meilleur résultat que le premier.

— Tu avais raison, il me semble que nous descendons toujours, dit-il. Retournons par là et tâchons de remonter.

Il eut beau marcher vite, il montrait une indécision qui redoubla l’effroi de Becky.

— Ô Tom, dit-elle, nous n’avons pas fait de marques ! Je vois bien que tu ne sais de quel côté aller.

Elle se jeta par terre et s’abandonna à un tel paroxysme de désespoir, que Tom craignit qu’elle ne mourût ou ne perdît la raison. Il s’assit près d’elle et l’entoura de ses bras. Elle se serra contre lui et lui confia ses terreurs. Tom la supplia en vain de reprendre courage. Alors il s’accabla d’injures, s’accusant d’être la cause de tout le mal. Les reproches qu’il s’adressait produisirent un effet auquel il ne s’attendait pas.