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LE PROCÈS.


— Et personne ne te décidera jamais à parler, hein ?

— Jamais de la vie ! Je n’ai pas envie de me faire noyer par ce gredin de métis.

— À la bonne heure ! Nous ne courons aucun risque tant que nous nous tairons. Si nous jurions encore ? Ce serait plus sûr.

— Je ne demande pas mieux.

Le serment fut renouvelé avec toutes les formalités indispensables.

— Maintenant, tiens-toi sur tes gardes, Huck, dit Tom. On est tenté de jacasser lorsqu’on écoute ces bavards.

— Je crois bien. Jack Potter, Jack Potter, toujours Jack Potter ! Ils n’ont que ce nom-là à la bouche. Ils ne savent rien ; mais ça ne les empêche pas de dire qu’il mérite d’être pendu.

— Est-ce que tu ne le plains pas ?

— Tu peux parier que je le plains autant que toi, répliqua Huck, Il ne compte pas plus que moi, c’est vrai ; mais il n’a fait de mal à personne. Il pêchait juste assez pour gagner de quoi se griser et dormait le reste du temps. Il y a des masses d’individus qui ne travaillent guère et on ne leur met pas la corde au cou. Non, Jack Potter n’est pas méchant. Un jour il m’a donné la moitié d’un poisson quand il n’y en avait pas trop pour deux, et des fois j’aurais été dans une mauvaise passe sans lui.

— Il m’a rendu service aussi. Il raccommodait mes cerfs-volants et attachait les hameçons à mes lignes. Je voudrais le tirer de là.

— Nous ne pouvons pas le tirer de là, Tom. D’ailleurs, il n’en serait pas plus avancé ; on le reprendrait bien vite.

— C’est vrai ; mais ça m’agace d’entendre tout le monde tomber sur lui.

— Moi aussi, ça m’agace, Tom. Ils jurent qu’il a la mine d’un assassin et s’étonnent qu’il n’ait pas été pendu il y a longtemps.