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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

guère à désirer que le supplice eût duré plus longtemps ; car l’inquisiteur, après avoir scruté les physionomies des garçons, réfléchit un instant et dirigea son regard du côté des filles.

— Amy Laurence, est-ce vous ?

Amy secoua la tête.

— Suzanne Harper, est-ce vous ?

— Non, non et non !

Becky était la voisine de celle qui venait de protester avec énergie contre une question dont elle paraissait s’indigner ; Tom se mit à trembler ; en effet, la situation était critique.

— Rebecca Thatcher, est-ce vous qui avez déchiré ce livre ? Regardez-moi en face, s’il vous plaît.

Becky pâlissait à vue d’œil. Cette fois Tom agit avec la promptitude qui convient à un héros. Il se leva en criant :

— C’est moi qui l’ai déchiré.

Les élèves contemplèrent le coupable supposé d’un air ébahi, tant son aveu prématuré les surprenait, car la tradition voulait qu’en pareille circonstance on n’avouât jamais un méfait, à moins d’avoir été interrogé directement.

Tom s’avança à l’ordre pour subir sa peine. Il savait qu’il n’en serait pas quitte à bon marché ; mais il sentit qu’il aurait affronté une punition cent fois plus dure afin de mériter le regard de reconnaissance que lui adressa Becky. Fier de s’être dévoué, il reçut, sans laisser échapper la moindre plainte, la plus impitoyable volée que M. Dobbins eût jamais administrée, et il accepta avec une noble indifférence un surcroît de punition qui le condamnait à deux heures de retenue après la classe, car il se doutait que quelqu’un l’attendrait à sa sortie de prison pour le remercier.

Tom se coucha ce soir-là en formant des projets de vengeance contre Alfred Temple, Dans un accès de gratitude et de repentir, Becky lui