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UNE BROUILLE.


XXI

UNE BROUILLE.


La façon dont tante Polly venait d’embrasser Tom avait appris au coupable qu’elle ne lui en voulait plus, et il était parti le cœur léger. Il eut la chance de rencontrer Becky à l’entrée de l’allée des platanes, allée où depuis de longues années il n’existait plus un seul arbre. Comme il obéissait toujours à l’inspiration du moment, il courut vers sa petite camarade et lui dit :

— Je me suis mal conduit ce matin, Becky ; mais j’avoue mes torts. Soyons amis, voulez-vous ?

Becky s’arrêta et le toisa d’un air dédaigneux.

— Je vous prie de me laisser en paix, monsieur Thomas Sawyer, répliqua-t-elle. Je ne vous parlerai plus de ma vie.

Elle hocha la tête, passa son chemin et gagna l’école. Tom demeura si interdit qu’il ne sut même pas répondre : « Oh ! là là, je vais commander mon cercueil ! » Cette spirituelle riposte lui vint trop tard à l’esprit, de sorte qu’il garda le silence. Néanmoins, la colère l’étouffait, et lorsqu’il pénétra dans la cour de récréation, il regrettait que Becky ne fût pas un garçon, ce qui lui aurait permis de la rosser. Bientôt il se croisa avec elle et lança en passant une remarque beaucoup plus mordante que ne l’eût été la menace de l’achat prématuré d’un cercueil. Becky lui rendit avec usure la monnaie de sa pièce, et il n’en fallut pas davantage pour creuser un profond abîme entre M. Thomas Sawyer et Mlle  Rebecca Thatcher. Il sembla même à cette dernière que l’heure de la classe ne sonnerait jamais, tant elle avait hâte de voir infliger à l’ex-