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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.


XVIII

COUP DE THÉÂTRE.


À Saint-Pétersbourg, on ne se livra à aucune espèce de réjouissance ce samedi-là. Mme  Harper et la tante Polly se lamentaient en préparant des vêtements de deuil. La petite ville, si calme d’ordinaire, était encore moins animée que de coutume. Chacun vaquait à ses affaires ; mais personne n’avait le cœur à la besogne. Vers une heure de l’après-midi, Becky Thatcher se mit à errer comme une âme en peine dans la cour déserte de l’école. Elle se sentait très malheureuse et ne trouva rien là qui fût de nature à la consoler.

— Si j’avais seulement la boule de cuivre, pensait-elle. Mais non, je n’ai rien gardé en souvenir de lui !

Et elle s’éloigna avec de grosses larmes dans les yeux. Un groupe d’écoliers, au lieu de profiter du congé du samedi pour se livrer à leurs jeux habituels, vint regarder par-dessus la clôture. On s’entretint de ce que Tom faisait la dernière fois qu’on l’avait vu, de ce que Joe Harper avait dit. On se rappela une foule de détails auxquels on n’avait attaché aucune importance au moment et dont on aurait dû être frappé. Puis on se disputa pour savoir qui avait échangé les dernières paroles avec les défunts. Plus d’un revendiqua ce triste honneur en s’appuyant sur des témoignages dont un juge impartial ne se serait pas contenté. Un candidat à la notoriété, qui n’avait aucun titre plus valable à invoquer, voulut aussi se mettre en relief et dit avec une nuance d’orgueil très visible :

— Moi, j’ai été rossé par Tom il y a huit jours.