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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

assommant. Réfléchis un peu. Tu vas t’ennuyer. Nous t’attendrons sur l’autre rive.

— Vous m’attendrez longtemps !

Huck s’éloigna avec lenteur. Tom le suivit des yeux, espérant qu’il s’arrêterait. Les révoltés continuèrent leur route, et le corsaire noir, qui se sentait déjà bien isolé, livra un dernier combat à son orgueil et courut après ses camarades en criant :

— Arrêtez ! j’ai quelque chose à vous dire.

Lorsqu’il les eut rejoints, il leur confia son secret. Les rebelles l’écoutèrent d’abord d’un air maussade ; mais à peine Tom eut-il achevé sa confidence, qu’ils battirent des mains.

— Si tu nous avais raconté cela plus tôt, s’écria Joe, je n’aurais pas songé à partir.

Tom trouva une excuse plausible. En réalité son mystérieux projet (que le lecteur ne tardera pas à connaître) ne lui semblait pas de nature à retenir bien longtemps ses camarades, et il aurait voulu ne le révéler qu’au dernier moment.

Les pirates revinrent gaiement sur leurs pas et se livrèrent avec un nouvel entrain à leurs jeux, tout en causant du projet de leur capitaine. Après un dîner composé de poisson et d’œufs de tortue, Tom déclara qu’il voulait apprendre à fumer. Joe, qui tenait sans doute à prouver qu’il n’était pas un bébé, exprima le même désir. Huck fabriqua donc des pipes et les bourra.

Les deux novices n’avaient jusqu’alors fumé que des cigares fabriqués avec des feuilles de vigne qui piquaient la langue, mais ne convenaient qu’à des enfants. Ils s’étendirent sur l’herbe, s’accoudèrent dans une attitude nonchalante et lancèrent quelques bouffées avec une circonspection qui n’annonçait pas une très grande confiance. Bien que le goût du tabac leur parût désagréable, ils ne se pressèrent pas d’exprimer leur opinion. Enfin Tom dit :