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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

se réjouir de cette escapade. Un soupir leur échappa à leur insu. Enfin Joe lança un ballon d’essai, tâtant le terrain afin de découvrir si ses compagnons songeaient à un retour à la civilisation — non pas tout de suite, mais…

Tom répondit à cette avance par un ricanement sardonique digne du corsaire noir dont il avait emprunté le nom. Huck, qui ne s’était pas encore compromis, suivit l’exemple de son chef ; toute velléité de révolte fut donc étouffée pour le moment.

Huck ne tarda guère à s’assoupir et finit par ronfler. Joe en fit bientôt autant. Tom se tint assez longtemps immobile, la tête appuyée contre un tronc d’arbre. Enfin il se leva et, après avoir cherché dans l’herbe, qu’éclairait la lumière vacillante du feu de camp, il ramassa plusieurs cylindres semi-circulaires formés par l’écorce blanche d’un sycomore. Il en choisit deux qui parurent lui convenir, s’agenouilla près du foyer et traça péniblement quelques lignes avec son crayon sur chacun des morceaux d’écorce. Il en roula un qu’il mit dans la poche de sa jaquette et plaça l’autre dans le chapeau de Joe où il déposa aussi certains trésors d’une valeur inestimable, entre autres, un morceau de craie, une balle élastique, trois hameçons et une douzaine de billes dont deux en cristal. Alors il s’éloigna à pas de loup, disparut derrière les arbres et se mit à courir vers la pointe de l’île dès qu’il jugea que le bruit de ses pas ne pouvait plus réveiller les dormeurs.