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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

à languir. Le calme solennel des bois et le sentiment de la solitude agissaient sur l’esprit des explorateurs fatigués. Ils se mirent à songer. Une tristesse dont ils ne comprenaient pas le motif s’empara d’eux et prit bientôt une forme moins vague. La nostalgie du foyer domestique se faisait déjà sentir. Finn aux mains rouges lui-même rêvait aux granges et aux hangars hospitaliers de Saint-Pétersbourg.

Depuis quelque temps ils avaient conscience d’un bruit sourd qui semblait venir de loin et auquel ils ne prêtèrent d’abord qu’une attention peu soutenue. Comme le bruit mystérieux, qui se renouvelait à des intervalles assez réguliers, allait se rapprochant, ils se regardèrent d’un air interrogateur et tendirent l’oreille. Une sourde détonation retentit de nouveau et parut rouler le long du fleuve.

— D’où ça peut-il venir ? demanda Joe.

— Chut ! dit Tom. Ne parlons pas, écoute.

Ils attendirent pendant quelques minutes ; le même son voilé par la distance troubla le silence du bois.

— Allons voir, s’écria Joe.

Ils coururent du côté de l’île le plus rapproché de la ville et regardèrent le long du fleuve. Le petit steamer qui servait de bac entre les deux rives du fleuve se montrait à un mille au-dessous de Saint-Pétersbourg et suivait doucement le courant. Il y avait beaucoup de monde sur le pont et un grand nombre de barques, montées par des rameurs ou marchant à la voile, escortaient le vapeur ; mais on ne pouvait distinguer le mouvement des équipages. Bientôt un jet de fumée blanche s’échappa de l’avant du petit navire et, tandis que la fumée se dilatait en formant un léger nuage, le bruit se répéta.

— Je sais ce qu’ils cherchent, s’écria Tom.

— Moi aussi, dit Huck. Ils cherchent un noyé et tirent le canon pour le faire remonter. Ils ont essayé ça l’été dernier quand Bill Turner a disparu.