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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

— Ce qu’ils diraient ? répliqua Tom. Ils mourraient d’envie de nous rejoindre, pus vrai, Hucky ?

— Tu peux le parier. En tout cas, le métier de pirate me va. On a de quoi manger, et il n’y a pas ici un tas de gens pour me rembarrer sans cesse.

— C’est justement là l’avantage d’une île déserte, dit Tom. On se lève, on se couche quand on veut. Pas d’école et personne pour coudre votre col de chemise avec du fil blanc ou du fil noir, afin de découvrir si vous vous êtes baigné en cachette.

— J’aime mieux être un pirate qu’un ermite, maintenant que j’ai essayé, dit Joe Harper.

— Je crois bien ! Vois-tu, un ermite serait obligé de dormir sur la pierre la plus dure de l’île, de vivre tout seul, de se cingler les épaules à coups de corde, de porter une robe qui lui écorcherait la peau et de s’arroser la tête de cendres.

— Pourquoi ça ? demanda Huck.

— Je n’en sais rien. Tous les ermites le font.

Huck ne poussa pas plus loin son interrogatoire. Il venait de vider une balle de maïs, d’y adapter un roseau, de la bourrer de tabac, et il allumait sa pipe. Il aspira la fumée d’un air si satisfait, que ses compagnons résolurent d’acquérir avant peu ce talent viril. Enfin il demanda :

— Qu’est-ce que les pirates ont à faire ?

— Ils n’ont qu’à s’amuser, répliqua Tom. Ils prennent à l’abordage les navires qu’ils rencontrent ; ils emportent dans leur repaire les piastres, les bijoux et les plats d’or ; ils tuent ceux qui leur résistent et les jettent à l’eau.

— Ils ne tuent pas les femmes, ajouta Joe Harper.

— Jamais, dit Tom. Ils sont trop généreux pour leur faire le moindre mal.

— Et les femmes aiment les pirates, parce qu’ils portent des habits