Page:Twain - Les aventures de Tom Sawyer, trad Hughes, illust Sirouy, 1884.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
LES AVENTURES DE TOM SAWYER.


XIII

LE REPAIRE DES PIRATES.


La résolution de Tom était prise. Tout le monde le repoussait. Soit. Il mènerait désormais l’existence d’un proscrit. Lorsqu’on apprendrait son départ, on se repentirait peut-être de l’avoir poussé à bout. Tandis qu’il se livrait à ses sombres réflexions, le futur proscrit était arrivé à une certaine distance de la ville, et la cloche de l’école résonna au loin pour appeler les élèves à la classe du soir. L’idée qu’il n’entendrait plus, jamais plus, ces sons familiers l’attrista. C’était dur, mais on l’y forçait.

Soudain il se trouva face à face avec Joe Harper, qui, lui aussi, avait à se plaindre de ses semblables, à en juger par sa mine renfrognée. Tom s’empressa d’annoncer à son ami intime qu’il était décidé à se soustraire aux mauvais traitements et au manque de sympathie. Il ne savait pas encore où il dirigerait ses pas ; mais il allait s’éloigner pour ne plus revenir.

Or, par un étrange hasard, Joe Harper courait depuis deux heures à la recherche de Tom, à qui il voulait adresser une confidence du même genre. Il venait de recevoir une correction humiliante — et cela sans motif encore — on l’accusait d’avoir bu un bol de lait dont il ignorait jusqu’à l’existence ! Puisque sa mère était lasse de lui, il s’en irait. Il espérait seulement que l’injustice qu’elle avait commise ne causerait pas trop de remords à la coupable. Les deux martyrs, après s’être apitoyés sur leur destinée, firent serment de ne se séparer que lorsque la mort viendrait mettre un terme à