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TANTE POLLY, MÉDECIN.

seul à l’entrée de la cour. Il se disait malade. Ce jour-là, il se tint à son poste habituel, surveillant la route. Chaque fois qu’une robe se montrait à l’horizon, il était prêt à danser de joie ; mais dès que la robe se rapprochait, il retombait dans son abattement. Enfin, les robes cessèrent d’apparaître et il entra dans la salle d’étude déserte pour broyer du noir tout à son aise en regardant par la croisée. À peine se fut-il installé qu’il vit arriver Becky. L’instant d’après, il était dehors, criant, courant, riant, décoiffant ses camarades, bondissant par-dessus la clôture, se tenant debout sur la tête, bref, exécutant les nombreux tours de force qu’une longue expérience lui avait rendus faciles. Becky ne semblait pas faire la moindre attention à lui. Se pouvait-il qu’elle ignorât sa présence ? Il porta ses exploits dans le voisinage immédiat de la nouvelle venue ; il décrivit des cercles autour d’elle en poussant des cris effroyables ; il saisit la première casquette qui lui tomba sous la main et la lança sur le toit de l’école ; il se précipita tête baissée au milieu d’un groupe de joueurs, les culbuta dans toutes les directions et vint s’abattre aux pieds de celle qu’il voulait charmer et qu’il faillit renverser. Ce fut à peine si Becky daigna regarder l’acrobate déconfit ; mais elle hocha la tête d’un air dédaigneux. Le sang monta aux joues de Tom. Il se releva et s’éloigna l’oreille basse.