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hall, masques et danseurs étaient changés en statues. Le cor avait retenti. Un murmure d’étonnement avait succédé, puis tout était rentré dans le silence. L’assemblée, debout, inquiète, attendait. Alors une voix lente, grave, solennelle, prononça ces paroles :

— Le Roi est mort !

Toutes les têtes s’inclinèrent. Il y eut quelques instants d’immobilité. Ensuite tous les assistants tombèrent à genoux, toutes les mains se tendirent vers Tom ; un seul cri partit de toutes les poitrines et ébranla la salle :

— Vive le Roi !

Le pauvre Tom, plus stupéfait que tous ceux qu’il voyait prosternés devant lui, promena vaguement ses regards éperdus dans l’immense enceinte ; puis ses yeux s’arrêtèrent, indécis et rêveurs, sur les deux princesses et sur le comte de Hertford, humblement agenouillés, eux aussi.

Soudain son visage rayonna. Il se pencha vers lord Hertford, et lui dit tout bas :

— Répondez-moi sincèrement sur votre foi et votre honneur. Si je donne ici un commandement, tel que le Roi seul a privilège et prérogative d’en donner, ce commandement sera-t-il obéi, et n’y aura-t-il personne qui se lèvera pour me dire : Non ?

— Personne ici, personne dans tous vos royaumes. En vous, Sire, réside la majesté de l’Angleterre. Vous êtes le Roi. Votre volonté seule fait loi.

Tom se redressa, et d’une voix ferme et forte :

— Eh bien, dit-il avec animation, la loi sera, d’ores en avant, une loi de merci, elle ne sera plus une loi de sang. Levez-vous, mylord, et allez porter à la Tour le décret du Roi que voici : Le duc de Norfolk ne mourra pas.