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était inutile de chercher plus loin, qu’il fallait y renoncer.

Au moment où elle allait prendre cette résolution découragée, elle entendit le souffle régulier de l’enfant qui s’était endormi. Elle écouta, et il lui sembla que ce souffle, produit par un retour normal à intervalles égaux des phénomènes d’inhalation et d’exhalation, était entrecoupé de petites saccades, de légers cris étouffés comme ceux que l’on pousse quand on a le cauchemar. Le hasard venait enfin de la mettre sur la voie.

Elle se dressa sur son séant, agitée, fiévreuse, et sortit de son lit avec un redoublement de précaution. Et tandis qu’elle rampait vers la table où était la chandelle éteinte, elle se disait :

— Pourquoi cela ne m’est-il pas revenu plus tôt ? Oui, je me souviens parfaitement qu’un jour, quand il était tout petit, un peu de poudre lui éclata au visage et faillit l’aveugler, et que depuis ce moment on ne l’a jamais brusquement arraché à ses rêves ou à ses pensées, sans qu’il ait, comme il fit alors, couvert ses yeux de la main, non comme tout le monde avec la paume en dedans, mais toujours avec la paume en dehors ; je l’ai vu cent fois, et cela n’a jamais manqué. Ah ! je saurai bien à quoi m’en tenir maintenant !

Elle avait atteint la chandelle, l’avait allumée, avait caché la flamme avec sa main et était arrivée auprès du petit prince.

Doucement, avec une extrême circonspection, elle se pencha sur lui, retenant sa respiration et tremblant d’émotion et de peur. Puis, tout d’un coup, elle fit passer la lumière sur ses yeux et donna avec l’articulation du doigt deux coups secs sur le parquet.