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Le prince recula.

— Votre langage et vos gestes ne m’inspirent que dégoût, dit-il. Je vous affirme encore une fois que je suis le fils du roi.

La large paume de Canty s’était appesantie sur l’épaule du prince ; il le poussa dans les bras de la mère de Tom. Celle-ci le serra sur sa poitrine et le couvrit de son corps pour le soustraire à la pluie de gifles qui, sans elle, l’aurait accablé.

Les deux filles épouvantées s’étaient pelotonnées dans le coin. Alors la grand’mère accourut, le poing levé pour assister son fils.

Le prince s’était arraché aux bras qui le tenaient généreusement emprisonné.

— Laissez-moi, dit-il, je ne veux pas que vous ayez à souffrir pour moi. Laissez ces bêtes brutes assouvir leur fureur sur moi seul.

Les bêtes brutes ne se firent pas prier. L’exclamation du prince avait porté leur fureur au comble. Aussi abattirent-elles consciencieusement leur besogne. Le pauvre enfant passa comme une balle de main en main. Quand il ne lui resta plus une place sur le corps qui n’eût été criblée de coups, ce fut le tour des filles, puis celui de la mère, et elles payèrent toutes trois avec usure la sympathie qu’elles avaient montrée pour la victime.

— Et maintenant, rugit Canty, tout le monde au lit. La farce est jouée !

Il souffla la chandelle, et chacun fit silence. Quelques instants après, des ronflements sonores annoncèrent que le chef de la famille et sa mère cuvaient leur boisson.

Les deux jeunes filles se glissèrent auprès du prince et le couvrirent tendrement de paille et