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CHAPITRE X.

SOUFFRANCES DU PRINCE.


On se rappelle que John Canty avait emporté le vrai prince dans l’allée empuantie d’Offal Court, traînant sur ses talons une meute d’affreux drôles braillant et battant des mains. Une seule voix s’était élevée au milieu de cet ignoble concert de vociférations pour protester en faveur du pauvre enfant ; mais le tumulte était tel que la voix se perdit étouffée.

Le prince continuait à se débattre, furieux, écumant, rugissant d’être ainsi outragé.

John Canty n’avait, on le sait, d’ordinaire qu’une faible dose de patience. Le moment arriva bientôt où, hors de lui, il leva son gourdin de chêne sur la tête du prince. Alors l’homme qui avait été seul à prendre la défense de la victime, saisit le bras du bourreau, qui reçut sur son propre poing le coup destiné à l’enfant.

— Ah ! tu veux te mêler, cria Canty. Tiens, voilà pour ta peine !

La terrible massue s’abattit sur le crâne de l’homme ; il y eut un cri d’horreur ; une masse confuse s’affaissa sur le sol, et disparut sous les pieds de la populace, sans que cet incident eût arrêté un moment les rires, les beuglements et les blasphèmes.