Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE IX.

LA FÊTE NAUTIQUE.


À neuf heures du soir, toute l’immense façade du palais qui donnait sur la Tamise était illuminée à giorno. Le fleuve même, aussi loin que le regard pouvait porter dans la direction de la Cité, était couvert de bateaux et de canots de plaisance, bordés de lanternes vénitiennes, et gaiement balancés par les flots. On eût dit un vaste jardin semé de fleurs de feu, qui se jouaient sous la brise d’été. Le grand perron de pierre dont les marches descendaient jusqu’au ras de l’eau, et où l’on eût pu masser sans gêne toute l’armée d’une principauté allemande, offrait un aspect féerique, avec sa double rangée de hallebardiers royaux miroitant sous leurs armures d’acier poli, tandis que des essaims de gens de service, aux costumes voyants et pailletés d’or et d’argent, passaient devant eux comme autant d’étoiles filantes, allant et venant, montant et descendant, pour activer les préparatifs de la fête.

Tout à coup les soldats et les serviteurs qui encombraient les degrés du perron s’évanouirent comme par enchantement. Il se fit un calme profond et solennel. On sentait dans l’air l’annonce de quelque chose de merveilleux. Sur les bateaux et les canots,