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Un éclair de joie illumina le visage de Henri VIII.

— Soulevez-moi, dit-il, je veux me rendre en personne au Parlement et sceller de ma propre main l’ordre d’exécution qui me délivrera de…

Sa voix s’éteignit ; une affreuse pâleur envahit ses traits ; les gentilshommes l’avaient respectueusement soutenu dans leurs bras. Ils le couchèrent sur ses oreillers et lui donnèrent un cordial pour le ranimer.

Quand il eut recouvré ses sens, il dit tristement :

— Hélas ! J’avais pourtant attendu avec impatience cette heure bénie, et maintenant qu’elle est là, je me trouve déçu dans la plus chère de mes espérances. Mais hâtez-vous ! Hâtez-vous ! Que d’autres se chargent de ce devoir, puisqu’il m’est refusé de le remplir. Qu’on nomme une commission du grand sceau, qu’on choisisse à l’instant les lords qui doivent la composer ; choisissez-les vous-même ; mettez-vous à l’œuvre. Hâtez-vous ! Hâtez-vous ! Avant demain je veux que l’on m’apporte sa tête !

— Les ordres du Roi seront exécutés. Plaise à Votre Majesté de commander que le grand sceau me soit rendu pour pouvoir remplir ma tâche.

— Le grand sceau ? Mais vous l’avez !

— Votre Majesté oublie qu’elle m’a donné l’ordre de le lui remettre, il y a deux jours, en disant qu’il n’en serait point fait usage avant que Votre main royale n’eût scellé l’arrêt d’exécution du duc de Norfolk.

— C’est vrai, je me rappelle… Mais qu’est-ce que j’en ai fait ?… Je suis si faible… Je perds la mémoire… C’est étrange ! étrange !

Le roi prononça quelques mots mal articulés ; il secoua à plusieurs reprises sa tête appesantie et porta la main à son front, comme s’il eût voulu feuil-