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gentilhomme qui se tenait à sa gauche, et ses yeux se remplirent de larmes.

À cette vue, les gentilshommes se consultèrent d’un coup d’œil, et l’un d’eux se risqua à lui demander la cause de son chagrin.

Tom répondit naïvement :

— Excusez-moi, je vous prie, mais mon nez me chatouille horriblement. J’ignore les us et coutumes en pareil cas. Dépêchez-vous, de grâce, de me dire ce qu’il y a à faire, car dans un moment je ne pourrai plus le supporter.

Personne ne sourit. Tout le monde était grandement embarrassé. On s’interrogeait des yeux. La tribulation était générale. On ne savait à quoi se résoudre. Il y avait là, en effet, un cas imprévu, sans précédent dans les annales de l’Angleterre. Or, le maître des cérémonies était absent, et personne n’eût osé prendre sur soi de donner un avis en cette délicate matière, de proposer une solution de ce grave problème. Hélas ! il n’y avait point de gentilhomme qui eût pour privilège héréditaire de gratter le nez du prince !

Cependant les larmes brillaient plus grosses sous les paupières du pauvre Tom et commençaient à rouler sur ses joues. Son nez, qui lui démangeait, réclamait impérieusement aide et secours. À la fin, la nature renversa les barrières de l’étiquette. Tom demanda intérieurement pardon du mal qu’il allait faire, et porta craintivement la main à son visage.

L’assistance se sentit tout à coup soulagée d’un grand poids : le prince s’était gratté lui-même.

Le repas était achevé. Un gentilhomme apporta un grand bol en or massif, rempli d’eau de rose au parfum délicieux, et le présenta à Tom pour se rincer la bouche et se laver le bout des doigts. Le premier