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— Il est fou, mais il est mon fils, il est l’héritier du trône. Fou ou non, il régnera ! Écoutez encore, et que ceci soit proclamé. Quiconque parlera de cette maladie agira contre la paix de mon royaume et portera sa tête sur l’échafaud !… Qu’on me donne à boire, je brûle de soif ; ce chagrin a miné mes forces… Tenez, enlevez cette coupe… Soutenez-moi. Là, bien. Ah ! il est fou ! Eh bien, fût-il fou cent mille fois plus, il est le prince de Galles et je suis le Roi, et je le ferai voir. Ce matin même, il sera mis en possession de sa dignité de prince en due forme et suivant l’antique usage. Donnez immédiatement des ordres à cet effet, mylord Hertford.

Un des seigneurs s’agenouilla au pied de la couche royale et dit :

— Sa Majesté sait que le grand maréchal héréditaire du royaume est enfermé à la Tour pour crime de haute trahison. Il ne serait pas convenable qu’un criminel de lèse-majesté…

— Silence ! Prononcer ce nom exécré, c’est me faire injure ! Cet homme vivra donc toujours ? Qui ose ici se mettre à la traverse de mes desseins, de ma volonté ? Il faudrait sans doute que la cérémonie de l’inauguration fût retardée parce que l’on ne trouve plus, dans le royaume, un maréchal qui n’ait pas trahi, pour investir le prince de ses honneurs et de ses droits ! Allez dire à mon Parlement que j’attends de lui, avant le coucher du soleil, la condamnation de Norfolk, sinon je le rendrai responsable.

Lord Hertford s’inclina :

— Il sera fait, dit-il, selon la volonté du Roi !

Et, se levant, il alla reprendre sa place.

Peu à peu la colère qui empourprait le visage du monarque se dissipa, et il dit :