Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait sur un oreiller et était enveloppée de bandages.

Il y eut un grand silence. Toutes les têtes étaient baissées, excepté celle de l’homme qui était couché.

Ce malade, presque hors d’état de bouger, était le terrible Henri VIII. Un sourire avait éclairé son visage.

— Eh quoi ! dit-il, mylord Édouard, mon prince, tu t’amuses à faire de tristes plaisanteries au roi, ton père, qui t’aime tant et qui est si bon pour toi ?

Le pauvre Tom écoutait et suivait ce discours autant que ses facultés anéanties le lui permettaient. Mais quand les mots : « le roi, ton père », frappèrent ses oreilles, il pâlit affreusement et tomba à genoux, comme s’il eût reçu un coup de feu.

— Le roi ! s’écria-t-il, vous êtes le roi ! Alors je suis perdu !

Cette exclamation parut abasourdir le redoutable monarque. Ses yeux se promenèrent vaguement sur tous les visages, puis ils s’arrêtèrent sur l’enfant, qui demeurait atterré devant lui.

Enfin il dit avec un accent de profond désappointement :

— Hélas ! j’avais cru la rumeur exagérée, je crains qu’elle ne soit que trop fondée.

Il poussa un grand soupir, et adoucissant sa voix :

— Viens, enfant, dit-il, viens auprès de ton père, tu n’es pas bien.

Tom se releva avec l’aide des lords, puis il s’approcha du roi d’Angleterre, humble, embarrassé, tremblant. Le roi lui prit affectueusement la tête dans ses deux mains ; il interrogea longuement, tendrement, cette pauvre physionomie bouleversée, comme pour y découvrir quelque indice d’un retour à la rai-