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bien des maux et peut-être de la mort ; et c’est pour cette raison qu’il a été fait chevalier par le roi même. Sachez aussi qu’en récompense d’un service plus grand encore, par lequel il a sauvé son souverain et maître du pilori et de la hart, il a été créé pair d’Angleterre et comte de Kent, et aura de ce chef les bénéfices et domaines afférents à cette dignité. Sachez encore que le privilège qu’il vient de revendiquer lui appartient par octroi en due forme de notre volonté souveraine, car nous avons mandé et ordonné que les chefs de sa noble maison ont et auront le droit de s’asseoir en présence de Sa Majesté le roi d’Angleterre, de génération en génération, aussi longtemps que subsistera la Couronne d’Angleterre. J’ai dit, et que personne n’y contredise.

Tandis que le Roi parlait ainsi, deux personnages qui paraissaient appartenir à la noblesse de campagne, et qui venaient d’arriver dans la salle royale depuis quelques minutes, écoutaient avec une surprise inquiète, tantôt regardant le Roi, tantôt contemplant l’épouvantail à moineaux, puis encore attachant leurs yeux sur le Roi, avec tous les signes de l’égarement.

C’étaient sir Hughes et lady Édith.

Le nouveau comte de Kent ne les avait pas aperçus. Lui aussi écoutait le Roi, mais avec des sentiments différents ; et il se disait, tandis que son cœur battait à rompre sa poitrine ;

— Ah ! mon Dieu ! sainte miséricorde ! C’est mon petit pauvre ! Mon petit lunatique ! Fou-Fou, le roi des coqs de combat ! C’est lui à qui je parlais avec vanité de la grandeur de mes domaines, et de mes soixante-dix chambres, et de mes vingt-sept domestiques ; c’est lui qui n’avait jamais eu, je le croyais,