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de folie ; ses yeux s’ouvraient démesurément, et sa bouche restait béante. Il regardait tous les gens superbes qui étaient là et ce superbe salon dont il occupait le centre, et il murmura :

— Mais, non, ce ne sont pas des ombres, non, ce n’est pas un rêve !

Il leva encore une fois les yeux sur le Roi, et il se dit :

— Ou je suis fou, ou je rêve, ou bien il est réellement le véritable souverain d’Angleterre et non le pauvre petit à cervelle détraquée que j’ai ramassé sur le pont de Londres et que je cherche depuis quarante-huit heures. Qui pourra me sortir de là ?

Soudain une idée lui traversa l’esprit, idée bizarre, étrange, insensée ; mais que pouvait-il lui arriver de pis que la mort, s’il la mettait à exécution ? Il courut au mur, prit une chaise, la planta au milieu de la salle, et s’assit.

Un murmure d’indignation circula dans l’assemblée ; une main s’appesantit rudement sur lui ; une voix s’exclama :

— Debout ! Saltimbanque impudent ! On ne s’assied pas devant le Roi.

Le bruit avait attiré l’attention du souverain, qui, laissant un moment l’oiseau de paradis, se tourna vers l’assemblée des seigneurs, étendit la main, et dit :

— Ne le touchez pas, il est dans son droit.

Il y eut un mouvement de stupéfaction. Le Roi continua :

— Ladies, lords et gentilshommes, celui qui est devant vous est mon féal et bien-aimé serviteur, Miles Hendon, qui, grâce à sa solide rapière et à son grand courage, a sauvé son prince et roi de