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Un grand éclat de rire accueillit ces paroles. Un des plus grossiers de la bande s’écria :

— Vraiment ! Tu es sans doute le courrier de Son Altesse, sale mendiant.

Le prince rougit de colère ; il porta vivement la main au côté, mais il n’y trouva rien. Il y eut une nouvelle explosion d’hilarité.

— Avez-vous vu ce geste ? s’exclama l’un des enfants. Il cherche son épée. On dirait le prince en personne.

Cette saillie provoqua un redoublement de folle gaieté.

Le pauvre Édouard s’était redressé fièrement.

— Je suis, en effet, le prince, dit-il, et c’est fort mal à vous qui vivez de la bonté du roi, mon père, de me traiter de la sorte.

Une tempête de sarcasmes répondit à cette apostrophe. Celui qui avait parlé le premier cria à ses camarades :

— Allons, pourceaux, esclaves, pensionnaires du père de Son Altesse, un peu de manières, je vous prie. À genoux tous tant que vous êtes, et faites la révérence à votre prince en guenilles !

Tous pouffaient, se tordaient, déliraient. Ils firent la génuflexion en corps pour singer la cérémonie de l’hommage.

Le prince repoussa du pied le premier qui s’approcha de lui, et d’un ton hautain :

— Tiens, dit-il, en attendant que demain je fasse dresser ton gibet !

Ceci n’était plus de jeu et dépassait la plaisanterie. Les rires cessèrent tout d’un coup et firent place à la rage. Une douzaine de voix hurlèrent :