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paraissait indiscutable. Mais comment cette rencontre entre le prince et le pauvre avait-elle pu avoir lieu, dans le palais, en plein jour, sans que personne en eût eu connaissance ?

— Vous m’avez dit alors : ôte tes guenilles, et je les ai ôtées ; mets mes habits, et je les ai mis ; et vous avez endossé mes loques. Et nous nous sommes regardés, et nous nous sommes trouvés si semblables l’un à l’autre que nous ne nous sommes pas reconnus… Ah ! vous vous rappelez, je le disais bien… Et alors vous avez aperçu l’écorchure que m’a faite à la main ce grand diable de hallebardier qui m’avait pris par le bas du dos… Tenez, voici encore la cicatrice, ça me fait encore mal ; si l’on m’avait dit d’écrire, je n’aurais pas pu… Alors vous avez fait un bond vers la porte, vous avez pris quelque chose qui était sur la table, quelque chose d’épais, de plat, de rond, et qui était en or, avec des lettres, et vous avez cherché des yeux un endroit où vous pourriez cacher cet objet qu’on appelle… le grand sceau… comme on vient de dire… et…

— Arrêtez, s’écria l’enfant en haillons avec enthousiasme. Allez, mon bon Saint John, allez, retournez, je vous prie, dans mon cabinet de travail, vous verrez pendue au mur une panoplie, mettez la main dans un des gantelets, vous trouverez le grand sceau.

— Oui ! oui ! c’est ça, s’écria Tom Canty. Oh ! que je suis heureux ! Vous allez être Roi enfin ! Vous allez reprendre ce sceptre qui vous appartient. Allez, mylord Saint John, mais allez donc, mettez des ailes à vos pieds !

L’assemblée était au comble de la surexcitation. Tous les sentiments envahissaient à la fois les âmes troublées par un incident aussi inouï : étonnement,