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absolu du royaume. Si ce souvenir s’obstinait à lui échapper, il était à jamais précipité dans les derniers bas-fonds de l’ignominie et de la misère.

Les moments s’écoulaient. L’enfant réfléchissait toujours, et plus il réfléchissait, plus ses traits pâlissaient, plus son visage prenait une expression attristée, éperdue, épouvantée.

Enfin il poussa un soupir, hocha faiblement la tête, et dit d’une voix tremblante et désespérée :

— Je me rappelle tout, tout ce qui s’est passé à ce moment… mais je n’ai pas souvenir du grand sceau.

Il s’arrêta, leva la tête, regarda les grands barons et ajouta avec dignité :

— Mylords et gentilshommes, si vous prétendez dépouiller votre Roi de ses droits souverains et le détrôner parce qu’il n’est point en état de fournir des explications sur ce fait, je me soumettrai à votre volonté, mais…

— Mais vous êtes insensé, vous êtes fou, mon Roi, s’écria Tom Canty avec terreur ; attendez… réfléchissez encore. Tout n’est pas perdu pour vous… ni pour moi. Écoutez-moi… suivez-moi. Je vais vous dire point par point comment les choses se sont passées ce jour-là… Nous causions. Je vous parlais de mes deux sœurs, Nan et Bet… ah ! vous vous rappelez… et de ma grand’mère… et de nos jeux d’Offal Court… Vous voyez bien que vous vous rappelez… Ne m’interrompez pas… Laissez-moi dire… Vous me faisiez manger et boire… vous aviez renvoyé vos domestiques pour ne pas m’intimider… n’est-ce pas, c’est cela ?…

À mesure que Tom entrait dans les détails, l’enfant inconnu approuvait par des signes de tête.

L’assemblée suivait le jeu des physionomies avec une angoisse indescriptible. Tout ce que disait Tom