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demanda-t-il ; mais à quoi bon insister ? Ce qui se passe ici est vraiment incroyable ! Que l’on perde le souvenir de faits insignifiants, de choses sans importance, soit ; mais ne pouvoir se rappeler un objet d’un aussi grand prix, d’un aussi grand poids, une masse d’or…

Un éclair jaillit des yeux de Tom, il fit un bond vers le duc, et lui saisissant le bras :

— Arrêtez, cria-t-il, n’allez pas plus loin. Vous dites une masse d’or, quelque chose de plat, n’est-ce pas ? de rond, d’épais, avec des lettres et des images gravées dessus ?… Il fallait le dire plus tôt, si c’est là le grand sceau qui vous fait perdre la tête à tous. Il y a trois semaines que je vous ai demandé ce que c’était. Vous ne m’avez pas répondu. Vous voulez savoir où il est, je vais vous le dire, moi, mais ce n’est pas moi qui l’y ai mis.

— Qui donc, sire ? demanda le Lord Protecteur.

— Lui ! Lui que voici ! le vrai Roi d’Angleterre, le seul légitime ; et il vous dira lui-même où vous le trouverez, parce que vous ne le croiriez pas, si je vous indiquais la place. Rappelez-vous bien, ô Roi !… recueillez vos souvenirs, ç’a été la dernière chose, la toute dernière chose que vous fîtes, quand vous êtes sorti du palais, sous mes haillons que vous m’avez forcé de vous donner.

Le silence n’était plus auguste, mais jamais il n’avait été plus expressif depuis le commencement de cette scène. Les regards s’étaient reportés sur l’enfant inconnu. Immobile, la tête penchée, le front plissé, le menton dans la main, il restait abîmé dans ses réflexions. On eût dit qu’il feuilletait ses pensées.

L’instant était suprême. S’il retrouvait le souvenir perdu, il montait sur le trône, il était le maître