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faisant un pas en avant vers l’enfant inconnu :

— Daignez, sire, dit-il en s’adressant à Tom Canty, me permettre d’interroger…

— Je répondrai, dit l’enfant inconnu avec hauteur.

Le duc lui demanda des renseignements précis sur la cour, sur le feu roi, sur son fils, sur les princesses. L’enfant satisfit à toutes ces questions, sans éprouver aucun trouble, sans montrer la moindre hésitation. Il décrivit les divers appartements du palais, ceux du feu roi, comme ceux du prince de Galles, suivant les corridors sans se tromper, énumérant les objets qui ornaient chaque pièce, sans rien oublier.

— C’est étrange !

— Merveilleux !

— Inconcevable !

À chaque phrase qu’il achevait de prononcer, une exclamation soulignait l’exactitude de ses indications.

Tom Canty s’était relevé et le considérait avec ravissement.

Le Lord Protecteur hocha la tête, haussa légèrement les épaules et dit :

— Certes, tout ce que dit cet enfant est vrai ; mais le Roi aurait pu dire comme lui, et beaucoup de seigneurs de la Cour savent depuis longtemps tout ce qu’ils viennent d’entendre. En un mot, rien ne prouve…

Le visage de Tom Canty s’assombrit. Son espoir s’évanouissait. Au moment même où il croyait toucher au port vers lequel il se sentait entraîné par tous ses vœux, tout à coup une saute de vent le rejetait en plein océan et ouvrait un gouffre où disparaissait le vrai Roi.