Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vent qu’abat la pluie ; les visages s’assombrirent ; il y eut comme un frissonnement dans la foule ; les applaudissements s’étouffèrent ; un malaise général parut peser sur la fête.

Le Lord Protecteur fronça le sourcil ; il remarqua que l’enthousiasme du peuple diminuait graduellement, et il ne fut pas long à en saisir la cause.

Il piqua des deux, se rapprocha du Roi, et la tête découverte, le corps penché sur sa selle, dans l’attitude du plus profond respect :

— Sire, dit-il, ce moment est mal choisi pour rêver. Votre peuple vous observe. Il vous voit baisser la tête, il voit votre front se couvrir d’un nuage, et il croit à un présage fâcheux. Songez-y bien, sire, il importe que la royauté apparaisse au peuple comme un soleil resplendissant. Chassez donc ces vapeurs qui troublent votre pensée. Levez la tête, sire, et souriez : votre peuple vous regarde !

En parlant ainsi, le duc avait jeté une poignée de pièces d’argent à droite et à gauche, puis il avait repris sa place.

Tom fit machinalement ce qu’on lui avait commandé. Il sourit, mais ce sourire ne venait pas du cœur. Heureusement, il n’y eut qu’un bien petit nombre de curieux qui le remarquèrent.

Il salua gracieusement la foule, et les plumes de son chapeau se balançaient joyeusement au vent chaque fois qu’il inclinait la tête. Il laissa tomber de sa main royale et libérale des largesses plus abondantes. Et l’anxiété du peuple cessa, et l’enthousiasme reparut, et la tempête d’acclamations fut plus bruyante que jamais.

Pourtant, un peu avant l’arrivée du cortège au