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rait dire si c’est toi qui es Tom Canty et moi qui suis le prince de Galles. Maintenant que j’ai tes habits, il me semble que je sens les coups que t’a donnés cette brute de soldat. Fais voir ta main, elle est toute meurtrie.

— Oh ! ce n’est rien ; Votre Altesse sait que le pauvre homme d’armes…

— Tais-toi ! C’est une honte, une cruauté, cria le petit prince en frappant le parquet de son pied nu. Si le roi… Ne bouge pas d’ici jusqu’à mon retour. Je le veux.

Il avait saisi et serré un objet qui se trouvait sur la table ; puis il avait pris sa course, traversant les corridors et la cour du palais, en guenilles, le visage enluminé, les yeux étincelants. Arrivé à la porte de pierre, il s’attacha des deux mains à la grille, tâcha de l’ébranler et cria :

— Ouvrez !

Le soldat qui avait maltraité Tom s’empressa d’obéir ; mais comme le prince filait devant lui, méconnaissable sous son dépenaillement, il lui envoya un grand coup de poing dans le dos qui le fit rouler en pirouettant sur la chaussée.

— Tiens, graine de mendiant, dit-il, voilà pour te payer de m’avoir fait gourmander par Son Altesse !

La foule éclata de rire. Le prince s’était ramassé couvert de boue, et menaçant les sentinelles d’un geste superbe :

— Je suis le prince de Galles, dit-il, ma personne est sacrée. Vous serez pendu pour avoir mis la main sur moi !

Le soldat présenta les armes et dit avec un air goguenard :

— Salut à Son Altesse !