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Vanité des œuvres humaines ! Il n’y avait pas trois semaines que le feu roi était mort, il n’y avait pas trois jours qu’il était couché dans sa tombe, et déjà les ornements, qu’il s’était donné tant de peine de choisir pour décorer le noble pont de la capitale, étaient abattus et traînés dans la boue.

Un homme trébucha sur la tête du duc et alla cogner de sa propre tête l’homme qui était devant lui, et qui, se croyant assailli, se retourna brusquement et assomma le plus proche de ses voisins, lequel se vengea par un gros coup de poing sur le premier venu, lequel, ne sachant à qui s’en prendre, s’en prit à tout le monde. Une bataille générale en résulta.

C’était le prélude des fêtes qui devaient avoir lieu le lendemain 20 février 1547, jour fixé pour le couronnement du Roi. Ces fêtes, dont les préparatifs s’achevaient, promettaient d’être splendides. Le bon peuple de Londres les célébrait dès la veille. Ivre de boisson et de patriotisme, au bout de cinq minutes, il se livra à une tuerie sans précédents. Cela dura de dix heures à minuit, et à minuit sonnant on ne comptait plus les morts ni les blessés.

Dans ce tumulte, Hendon et le roi se trouvèrent séparés l’un de l’autre, et quoi qu’ils fissent pour lutter contre les vagues humaines qui les engloutissaient, même après avoir écrasé une dizaine d’ivrognes sous les pas de leurs bêtes affolées, ils ne parvinrent point à se rejoindre.