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dans l’âme. Il s’était retourné et, baissant la tête, il pleurait.

— Quel brave cœur ! se disait-il, quelle noble conduite ! quel loyal dévouement ! jamais je ne l’oublierai. Je le jure devant Dieu, le Roi d’Angleterre se souviendra de cela et le peuple anglais aussi !

La magnanimité de Hendon ne tarda point à prendre dans son esprit des proportions gigantesques, et sa reconnaissance royale grandit dans la même mesure.

— Sauver son prince et son Roi de la mort, — et c’est ce qu’il a fait pour moi, — ajouta-t-il en se parlant à lui-même, quel service plus généreux ! Et pourtant ce service est peu de chose, rien, moins que rien, en comparaison de cet autre acte : sauver son prince et son Roi de la honte !

Hendon ne poussa pas un cri sous le fouet. Il supporta l’affreuse douleur avec l’héroïsme du soldat.

Ce courage et le fait d’avoir consenti à subir le châtiment de l’enfant exercèrent une impression inattendue sur la foule. On se prit d’amitié pour cet homme extraordinaire qui aggravait volontairement son supplice par pitié pour les faibles. La horde ignoble cessa tout d’un coup ses cris, et le silence qui se fit fut si profond que l’on n’entendit plus que le sifflement du fouet et le bruit sec de l’instrument qui déchirait les épaules du condamné.

Quand le bourreau eut cessé de frapper, Hendon reçut l’ordre de s’asseoir, et ses pieds furent de nouveau emprisonnés dans les ceps. La foule n’avait pas quitté la place, mais elle regardait maintenant le patient avec une morne compassion, et ceux qui avaient été, quelques instants auparavant, les plus ardents à l’accabler d’injures, le plaignaient tout