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Que faire dans cette situation ignominieuse qui semblait sans issue ! Fallait-il accepter le châtiment ou demander grâce ? Subir un supplice infâme sous les yeux d’une foule en délire, au milieu des cris de joie féroce d’esclaves ivres, un roi pouvait s’y résigner, et les annales de bien des pays en citaient des exemples, témoin Conradin. Mais implorer la pitié d’un bourreau, jamais !

Tandis que ces pensées se pressaient dans le cerveau du pauvre enfant inerte et muet, Miles Hendon disait à l’exécuteur de justice :

— Faites grâce à cette innocente petite créature, que vous ne sauriez toucher de votre fouet sans la tuer. Voyez comme il est chétif et tremblant. Laissez-le et fouettez-moi à sa place !

— Accordé, s’écria Hughes avec un rire sardonique, car il se réjouissait d’avoir trouvé une nouvelle occasion de vengeance ; lâchez le petit mendiant et donnez douze coups à ce drôle, mais douze coups consciencieusement appliqués.

Le roi s’était redressé ; il lança un regard de défi à Hughes, et voulut répliquer. Le tyran l’arrêta du geste :

— Ah ! tu veux parler, s’écria-t-il. Eh bien, parle, va, laisse aller ta langue, mais fais bien attention à ceci : pour chaque mot que tu diras, on lui donnera douze coups de plus.

On dégagea les pieds de Hendon, on lui dit de se lever, de tourner la face contre le pilori, on l’y attacha par les mains, et on lui mit le dos à nu jusqu’à la ceinture. Puis le fouet s’abattit sur ses épaules.

Le pauvre petit roi ne put voir couler le sang de son serviteur. Chacun des coups lui retentissait