Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Lâches, s’écria-t-il, cet homme est mon serviteur, qu’on le mette en liberté, je le veux ; je suis le…

— Oh ! taisez-vous, s’exclama Miles épouvanté, vous allez vous perdre aussi… Ne faites pas attention à ce qu’il dit, il est fou, le pauvre enfant !

— Ne te mets point en peine, dit l’officier de justice blessé dans sa dignité, je sais ce qu’il faut pour guérir ces accès ; j’en ai vu d’autres, et une petite leçon ne saurait que lui faire du bien.

Et s’adressant à un aide :

— Qu’on donne à ce petit drôle un avant-goût du martinet. Un ou deux coups, pour lui enseigner à mieux pendre sa langue.

— Une demi-douzaine fera plus d’effet, suggéra Hughes, qui passait en ce moment à cheval devant le pilori et venait s’assurer que sa vengeance s’accomplissait.

Le bourreau prit le roi par le milieu du corps.

L’enfant ne résista point. Il était paralysé. L’idée qu’il y eût dans le royaume d’Angleterre un homme assez hardi pour oser mettre la main sur la personne sacrée du roi, et le menacer d’un aussi monstrueux outrage, lui faisait monter au cœur un tel dégoût, qu’il avait fermé les yeux. Plié en deux sur le bras du bourreau, il subissait, sans qu’il lui fût possible d’articuler une parole, l’horrible attouchement qui profanait la royauté.

Il n’ignorait pas qu’un autre roi d’Angleterre avant lui avait reçu des coups de fouet, mais l’histoire parlait de cet acte inconcevable en des termes si indignés qu’il lui paraissait impossible que cet acte eût pu se renouveler jamais, et que lui-même pût être victime de ce crime de lèse-majesté, dépassant toute croyance humaine.