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Angleterre, dans un royaume chrétien ! Fouettées ! Et moi qui leur ai donné de l’espoir, qui leur ai promis de les sauver, j’assiste à ce spectacle, je laisse s’accomplir cette sauvagerie, sous mes yeux. Étrange ! étrange en vérité ! Quoi, je suis la source de toute autorité, tout le monde doit se prosterner devant ma volonté dans ce vaste royaume, et je ne peux empêcher de martyriser deux femmes innocentes ! Ah ! mécréants et lâches ! souvenez-vous bien du serment que je fais ici. Un jour viendra où il vous sera demandé un compte terrible de votre conduite. Et ce jour-là, pour chaque coup de fouet que vous aurez donné, vous en recevrez cent.

Une porte de fer s’ouvrit et livra passage à un flot de curieux qui dérobèrent les femmes à sa vue.

Un prêtre se fraya un chemin à travers la foule et disparut aussi. Puis le roi entendit des bruits confus qui lui parurent être des interrogations et des réponses, sans qu’il comprît exactement ce que l’on disait ni ce que l’on faisait. Puis il y eut un bourdonnement sourd et prolongé, des allées et venues, accompagnées de cris et de commandements, annonçant l’imminence d’un événement extraordinaire. Puis il se fit un silence solennel.

Alors, sur un ordre donné, la foule s’écarta de manière à faire le vide au centre de la cour. Le roi poussa un cri d’horreur. Un flot de sang monta à ses joues. Il lui sembla que la moelle se figeait dans ses os.

Des fagots avaient été entassés aux pieds des deux femmes et un homme à genoux y mettait le feu.

Les femmes avaient baissé la tête et couvraient leurs visages de leurs mains. Les flammes jau-