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Le roi sourit et dit :

— Il y a eu évidemment erreur. Être catholique n’est point un crime ; on ne saurait vous retenir en prison pour cela.

Elles ne répondirent point, mais il y avait quelque chose de triste dans leur regard.

— Vous ne semblez pas rassurées, dit-il, parlez ; qu’avez-vous à craindre ? On vous a emprisonnées, mais on vous mettra bientôt en liberté.

Elles essayèrent de donner une autre tournure à la conversation : il semblait avoir une idée fixe.

— On ne vous fouettera pas, dit-il avec anxiété, on n’osera point commettre une telle barbarie. N’est-ce pas, on n’osera point ?

Les femmes étaient navrées. Elles auraient voulu éviter une explication catégorique, et elles sentaient qu’il leur était impossible d’y échapper. L’une d’elles, s’armant de courage, dit avec un accent ému :

— Tu nous brises le cœur, pauvre petit. Dieu nous donne la force de supporter…

— N’achevez pas, cria le roi, je vous comprends. Je lis dans vos yeux que votre sort vous paraît inévitable. Fouettées, vous, pauvres femmes ! Non, cela ne se peut point. Je ne veux pas. Cessez de pleurer, vos larmes me pénètrent l’âme. Courage ! J’arriverai à temps pour vous soustraire à cet affreux supplice. Comptez sur moi.

Quand le roi s’éveilla le lendemain matin, les femmes n’étaient plus là.

— Elles sont sauvées, se dit-il, on les aura lâchées ; elles sont plus heureuses que moi. Qui me consolera maintenant ?

Elles avaient, l’une et l’autre, épinglé sur ses haillons un bout de ruban en signe de souvenir. Il