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Le geôlier eut un nouvel éclat de rire, et sa face prit une expression féroce.

— Je te laisse avec lui, père Andrews. Fais-le jaser, si ça t’amuse. Tu m’avertiras quand tu en auras assez.

Il disparut. Le vieillard se rapprocha de Miles et se pencha sur lui.

— Dieu soit loué, mon maître, dit-il vivement. Te voilà enfin revenu. On avait fait courir le bruit de ta mort ; c’était un mensonge. Je t’ai reconnu tout de suite ; et il m’a fallu un grand effort sur moi-même pour ne pas pousser un cri de douleur, en te voyant parmi cette immonde racaille. Je suis vieux et pauvre, mon maître ; si je dis la vérité, on m’enverra au supplice ; mais ordonne et j’obéirai… Veux-tu que je proclame devant tout le monde que tu es Miles Hendon, celui de mes maîtres que j’ai toujours aimé avec le plus de dévouement et que j’aime aujourd’hui comme jadis ? Parle, j’obéirai, dussé-je être étranglé.

Miles le regarda avec émotion.

— Non, dit-il, je ne veux point. Je te perdrais sans me sauver. Mais je te remercie. Tu m’as fait croire qu’il y a encore sur terre des êtres humains, dignes de ce nom.

Blake Andrews devint ainsi un auxiliaire précieux pour Miles et le roi. Le vieillard venait plusieurs fois par jour dans la prison sous prétexte d’interroger le « scélérat », et à chacune de ces visites, il passait en contrebande quelque douceur, cuisse de poulet ou tranche de porc qu’il glissait dans la main de Miles, sans qu’on s’en aperçût. En même temps il le tenait au courant de ce qui se passait.

Miles donnait la viande au roi, car le pauvre