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parurent contents, car ils se turent. On n’entendit plus que quelques gémissements étouffés.

Les jours s’écoulèrent sans qu’aucun changement eût lieu dans le sort du roi et de son compagnon. De temps à autre, on introduisait dans la prison des individus que Miles se rappelait plus ou moins avoir vus autrefois, et qui venaient regarder « l’imposteur » sous le nez, lui dire qu’ils ne le connaissaient pas et l’injurier. La nuit arrivée, le vacarme, les querelles et les batailles recommençaient.

À la fin pourtant, il se produisit un incident nouveau. Le geôlier amena un matin dans la prison un homme tellement vieux qu’il paraissait avoir plus de cent ans.

— Le scélérat est dans cette pièce, dit-il ; toi qui as vu naître tous les gens de ce pays, tu reconnaîtras bien où il est, si vraiment il est ici. Regarde tous les prisonniers avec soin.

Miles avait levé les yeux en entendant ces paroles, et l’espérance, qui semblait anéantie dans son cœur, s’était tout d’un coup réveillée. Il se dit :

— Ce vieillard, c’est Blake Andrews, le plus vieux des serviteurs de notre famille, celui qui nous a tous tenus dans ses bras quand nous étions enfants ; c’était autrefois un brave homme, droit, probe, sincère, mais est-il resté tel, dans ce milieu d’hypocrisie et d’êtres pervertis ? C’est lui qui m’accompagnait quand j’ai quitté Hendon Hall, il y a sept ans, et sept ans ne changent point le caractère d’un vieillard. Il me reconnaîtra, il ne me reniera point comme ont fait les autres.

Le vieillard promenait sur chacun des prisonniers un regard attentif et scrutateur ; il sondait en quel-