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pour lesquels l’honneur est un vain mot et la justice une arme perfide.

Le visage de lady Édith se colora légèrement. Elle baissa les yeux ; puis d’une voix qui ne trahissait aucune émotion, elle poursuivit :

— Je vous ai engagé, je vous engage encore à fuir. Cet homme est un tyran qui ne connaît point la pitié. Personne ne le sait mieux que moi qui suis son esclave, à jamais retenue dans ses fers. Le pauvre Miles, le pauvre Arthur et mon pauvre tuteur, sir Richard, sont à l’abri de ses coups. Il vaudrait mieux pour vous être avec eux que de rester une heure de plus ici et de vous exposer à tomber dans les serres de cet oiseau de proie. Vos prétentions sont une menace. Si vous disiez vrai, il perdrait son titre et ses biens. Vous l’avez outragé chez lui ; vous l’avez frappé dans sa propre maison. Vous êtes perdu, si vous restez ici. Allez, n’hésitez point. Si vous avez besoin d’argent, prenez cette bourse, j’avertirai mes gens, j’achèterai leur silence. Partez, pauvre homme, partez, fuyez, les instants sont comptés.

Miles repoussa la bourse et, se levant, il regarda Édith avec stupéfaction :

— Je ne vous demande qu’une grâce, dit-il, et ce sera la dernière. Fixez vos yeux sur moi, sans les détourner… Maintenant, répondez-moi, suis-je Miles Hendon ?

— Je ne vous connais pas.

— Jurez-le.

Tout bas, presque inintelligiblement, elle dit :

— Je le jure.

— Ah !

— Fuyez ! ne perdez point un temps précieux, fuyez, ne songez qu’à votre salut !