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sans qu’on se demande de ville en ville, de maison en maison, comment un fait aussi inouï a pu se produire, et comment un événement, qui doit être malheureux pour tout le royaume, qui devrait mettre tout sens dessus dessous, se prolonge depuis plusieurs jours, sans que personne paraisse en avoir souci !

Miles eut un sourire de compassion.

— C’est vrai, sire, dit-il, je l’avais oublié.

Et il ajouta à part lui avec un soupir :

— Pauvre tête, toujours hantée par la même folie !

— Mais j’ai un projet, continua l’enfant, un projet qui doit nous sauver l’un et l’autre. Je veux écrire une lettre en trois langues, en latin, en grec et en anglais. Vous la porterez demain matin à Londres et vous ferez diligence. Vous ne la donnerez qu’à mon oncle, lord Hertford ; quand il la verra, il reconnaîtra mon écriture et donnera l’ordre de venir me reprendre ici.

— Ne vaudrait-il pas mieux, sire, attendre ici, jusqu’à ce que je me sois fait reconnaître moi-même ? Quand j’aurai recouvré mes droits et mes biens, il nous sera bien plus facile…

— Paix, sir Miles ! interrompit le roi impérieusement. Que sont vos domaines insignifiants, vos intérêts personnels et sans importance auprès des affaires du royaume et de la sauvegarde du trône ?

Puis regardant le pauvre homme avec bonté :

— Obéissez et n’ayez point de crainte, dit-il, justice vous sera faite en son heure. Je me souviendrai de vous et de vos loyaux services.

Il s’était assis à la table, y avait pris du papier et une plume et s’était mis à écrire d’une main rapide.

Miles le contemplait, émerveillé.