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amère ! Là… sous cette lumière… oh ! je veux voir ! je veux voir…

Il avait saisi Miles par le bras, l’avait entraîné auprès de la fenêtre et le dévorait des yeux, le toisant des pieds à la tête, le tournant en tous sens, allant et venant autour de lui et scrutant avidement les moindres lignes de son corps.

Miles avait les larmes aux yeux. Il souriait, riait et hochait la tête.

— Va, va, disait-il, ne crains point, mon frère, c’est bien moi ; ces bras que tu touches, ces jambes, ces pieds, cette tête, tout ça c’est moi. Regarde-moi, je te reviens tout entier. Es-tu content, mon bon vieil Hughes, le voilà enfin ton vieux Miles, c’est toujours lui ; il était perdu, il est retrouvé ! Ah ! quelle journée, n’est-ce pas, quelle grande et splendide journée ! oui, splendide et heureuse et inoubliable. Ta main, Hughes, viens, viens, que je t’embrasse ! Oh ! laisse-moi m’abandonner à toute l’effusion de mon âme ! Je crois que je vais mourir de joie !

Il allait se précipiter dans les bras de Hughes, mais celui-ci le retint, et au lieu de répondre à son empressement, leva la main comme pour le maintenir à distance, puis baissant tristement la tête :

— Dieu me donnera-t-il la force de supporter cette cruelle désillusion ?

Miles, ébahi, restait sans parole. À la fin, il put s’écrier :

— Désillusion, dis-tu ? mais tu ne vois donc pas que je suis ton frère ?

Hughes secoua la tête avec pitié.

— Fasse le ciel que vous disiez vrai, pauvre homme, murmura-t-il, et que d’autres que moi découvrent