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Hughes avait reculé son siège avec un mouvement de surprise. Il regarda gravement l’intrus, avec un air offensé ; puis l’expression de ses traits changea subitement, comme s’il eût obéi à quelque dessein secret, et il attacha sur celui qui lui parlait, des yeux intrigués où l’on eût cru lire un sentiment de vive compassion.

À la fin il dit avec douceur :

Vous paraissez exalté, pauvre étranger ; vous aurez eu à subir de cruelles privations, de rudes souffrances ; vos traits égarés, votre costume en désordre me le disent suffisamment. Parlez ! Pour qui donc me prenez-vous ?

— Pour qui, juste ciel ? mais pour toi-même ! pour Hughes Hendon ! s’écria Miles qui ne comprenait rien à ce langage.

Hughes continua, sans rien perdre de son sang-froid.

— Et qui donc croyez-vous être vous-même, pauvre homme ? Car il me semble que votre imagination…

— Mon imagination ? Sache que l’imagination n’a rien à voir en ceci ! Voudrais-tu prétendre par hasard que tu ne me reconnais point, que je ne suis point ton frère, Miles Hendon ?

Un éclair de joie parut rayonner sur le visage de Hughes.

— Quoi ! s’exclama-t-il, toi ! toi ! serait-il possible ! Les morts reviendraient à la vie ! Ah ! plût à Dieu qu’il en fût ainsi ! Notre pauvre frère, que nous pensions à jamais perdu, nous serait rendu après tant d’années d’angoisses ! Non, ce serait trop beau, trop beau pour y croire. Pitié ! Si c’est un jeu, qu’il cesse aussitôt, car la déception serait trop