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Quand vint l’après-midi, Hendon ne se possédait plus. À chaque instant il piquait des deux, enfilait un sentier, grimpait sur un coteau, s’arrêtait pour interroger l’horizon, tenait la main au-dessus des yeux afin de mieux découvrir le manoir.

Enfin il l’aperçut. Alors son enthousiasme n’eut plus de bornes.

— Voyez, sire, dit-il, voyez, voyez. Ce que vous distinguez là-bas, c’est le village ; et là, c’est Hendon Hall. On voit les tours d’ici. Tenez, là, c’est le parc de mon père. Vous allez voir comme c’est beau, comme c’est vaste. Soixante-dix chambres… Vous n’avez jamais ouï ça, n’est-ce pas ?… Et vingt-sept domestiques ! Comme nous allons être bien là dedans tous ensemble ! Venez, venez, je n’y tiens plus, je brûle d’arriver.

Cependant ils eurent beau faire diligence, trois heures sonnaient quand ils entrèrent dans le village. Ils allaient au galop, et la langue de Hendon allait plus vite encore.

— Voici l’église, c’est bien ça, toujours le même lierre, rien de changé… Voici l’auberge, le vieux Lion-Rouge ; là-bas, c’est la place du Marché. Voici l’arbre de mai, le maypole ; voici la pompe,… rien de changé non plus,… si ce n’est les gens peut-être, car en dix ans, il y en a qui partent ou qui viennent. Il me semble que je reconnais certaines figures. Mais personne n’a l’air de se douter que c’est moi.

Il ne tarissait point.

Bientôt ils furent au bout du village ; ils prirent par une allée étroite et tortueuse, bordée de grandes haies. Ils la suivirent ventre à terre pendant un demi-mille, et pénétrèrent, enfin, par une imposante arcade, flanquée de pilastres sculptés