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Le brave Hendon aurait tant voulu guérir ce cerveau troublé, dont l’émotion avait dû déranger l’équilibre, et qu’il souffrait de voir ainsi hanté par de tristes et douloureuses visions. Aussi résolut-il de ne s’acheminer qu’à petites journées vers le domaine paternel d’où il avait été banni depuis tant d’années. Il fit violence à son cœur, maîtrisa son impatience qui l’eût poussé à courir, à bride abattue, nuit et jour, sans relais, et obéissant à la maxime : « Patience et courage vaut plus que force ni que rage », il mit ses bêtes à l’amble.

Ils avaient fait une dizaine de milles, quand ils atteignirent un gros bourg. Ils y trouvèrent une bonne auberge, où ils s’arrêtèrent pour passer la nuit.

Chacun reprit son rôle respectif. Hendon se tint debout, derrière le siège du roi, pendant le repas, et le servit respectueusement. Il le déshabilla ensuite et le coucha ; puis il s’enveloppa lui-même dans une couverture et s’étendit de son long en travers de la porte.

Le lendemain et le surlendemain, ils poursuivirent leur voyage, en égayant la chevauchée lente et paresseuse par le récit de leurs aventures depuis leur séparation. Le roi parlait avec volubilité, appuyant chacune de ses phrases d’un geste expressif. Miles l’écoutait avec avidité.

Quand ce fut au tour du brave homme de conter son récit, sur la demande expresse qui lui en fut faite, il détailla tout ce qui s’était passé depuis le moment où il était sorti de la hutte avec l’archange en quête de « Sa Majesté ». Il avait battu toute la forêt avec l’ermite et, ne pouvant se débarrasser de lui, il l’avait ramené à la cabane.