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— C’est faire beaucoup de bruit pour peu de chose. J’ai voulu m’amuser de la frayeur de la bonne femme, et lui faire une farce.

— Et c’est par farce aussi que vous avez gardé son cochon, sans même lui payer le panier ?

L’officier de justice joua la fâcherie.

— Je vous dis que c’est une farce,… et cela suffit.

— C’est possible, dit Hendon, en feignant de le croire et sans perdre son accent moqueur ; attendez-moi là un moment, je cours chez le magistrat, qui y verra sans doute plus clair que vous et moi, car il connaît la loi, et s’il y a simple farce, il…

Hendon mâchonna le reste de sa phrase, en pirouettant sur ses talons.

Il avait fait deux ou trois pas dans la direction de la salle de justice, quand le constable le rappela avec un gros juron.

— Attendez donc ! Pst ! Pst ! Vous êtes bien pressé ! Le juge, dites-vous ? Il n’est pas d’humeur à pardonner une plaisanterie ! Voyons ! écoutez donc ! Causons sans nous fâcher ! C’est vrai, je me suis mis dans de mauvais draps, et tout cela pour une farce innocente, sans que j’eusse jamais songé à mal. Je suis père de famille, j’ai une femme, de petits enfants. Mais attendez donc ! Voyons, que voulez-vous ?

— Je vous l’ai déjà dit. Mais vous êtes aveugle, sourd, muet, paralytique, et il faut vous dire cent mille mots avant que vous en ayez entendu un. Je ne vous demande rien de déraisonnable pourtant.

— Rien de déraisonnable ! s’exclama le constable désespéré ; mais c’est ma perte que vous voulez. Ah ! je vous en conjure, mon bon messire, cessez cette cruelle moquerie ; considérez la chose sous toutes