Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Les devoirs de ma charge s’y opposent, répondit le constable ; je vous en prie, laissez suivre le cours de la justice, la nuit tombe et j’ai hâte de rentrer chez moi.

— Je n’ai qu’un mot à vous dire, et il y va de votre intérêt. Ayez l’air de ne rien voir et… laissez cet enfant s’échapper.

— Que je… Suborneur ! Au nom de la loi je vous arrête.

— N’allons pas si vite, et soyez prudent. Vous pourriez vous repentir de ne pas avoir écouté mon avis.

Miles rapprocha sa bouche de l’oreille du constable.

— Ce cochon que vous avez acheté huit pence pourrait vous coûter la tête, brave homme !

Le constable eut un geste de surprise ; il demeura d’abord interdit ; puis, se croyant raillé, il éclata en invectives et en menaces.

Mais Hendon gardait toute sa placidité. Il attendit que l’officier de justice eût dit tout ce qu’il avait à dire, puis il ajouta :

— J’ai un faible pour vous, brave homme, et je ne voudrais point vous voir au bout d’un gibet. Écoutez bien ce que je vous dis, vous verrez si je vous trompe.

Alors Miles répéta mot pour mot la conversation que le constable avait eue avec la femme :

— Vous voyez, dit-il, que je sais tout. Que penseriez-vous d’une dénonciation faite en due forme au magistrat aujourd’hui même ?

Le constable s’était arrêté. Il était tout d’un coup devenu humble et craintif. Il essaya de se tirer d’affaire en disant avec un sourire forcé :