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— Je vous ferai pendre tous deux, rugit-il, le jour même où j’aurai recouvré mon sceptre.

Les scélérats, plus forts que lui, le maintenaient et riaient de son impuissante colère et de ses vaines menaces. Ils attendaient, avec impatience, que l’emplâtre eût produit son effet ; et, certes, leur espérance n’aurait pas tardé à se réaliser, s’il n’était survenu un incident imprévu.

Le gueux qui avait fait la tirade tant applaudie sur l’iniquité des lois anglaises apparut tout à coup sur la scène et mit fin à l’entreprise des deux gredins, en arrachant le bandage et l’emplâtre, et en jetant au loin tout l’appareil destiné à faire une malandre.

Yokel l’esclave exerçait une espèce de prestige sur la bande de l’Hérissé. Personne n’eût osé lui résister.

Le roi voulut prendre le bâton de son sauveur et en labourer les épaules des deux drôles. Yokel s’y refusa. Il dit que cette affaire devait être examinée avec calme et qu’il fallait attendre jusqu’à la nuit, quand toute la tribu serait réunie. Il était inutile, sinon dangereux d’attrouper les passants. Les gueux n’avaient point coutume de soumettre leurs différends au jugement des intrus ou des sinves.

Yokel ramena le roi avec Hugo et le chaudronnier au camp, et il informa l’Hérissé de ce qui s’était passé.

Le chef décida que le roi ne mendierait pas et déclara qu’il l’appelait à des fonctions plus hautes et plus nobles.

Le roi ne fit que passer pour la forme par le grade de mendiant. Il fut immédiatement promu au rang de voleur.