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Le moyen de mettre à exécution son premier plan, c’était de prendre le roi à l’improviste, et de lui faire une malandre à la jambe.

— Cela le mortifiera, se disait-il, et lui ôtera toute envie de nous traiter du haut de sa grandeur.

Une fois la malandre bien visible, Canty forcerait bien l’enfant à exposer sa jambe sur les grands chemins, et à mendier.

La malandre est un terme d’argot, employé pour désigner une plaie factice.

Pour faire une malandre, on fabriquait un emplâtre de chaux vive, de savon et de rouille, qu’on étendait sur un morceau de cuir, lequel était ensuite appliqué sur la jambe et retenu par un bandage fortement serré. L’emplâtre enlevait la peau et donnait à la chair, mise à nu, l’aspect d’une excoriation ; on frottait cet ulcère apparent avec du sang qui, lorsqu’il était sec, donnait à la prétendue plaie une couleur sombre et repoussante. Enfin, l’on enroulait autour de la jambe un morceau de guenille habilement disposé de manière à laisser voir, accidentellement, le hideux ulcère, et à émouvoir les passants.

De compagnie avec le chaudronnier qui ne pardonnait point au roi de l’avoir menacé, Hugo emmena l’enfant sous prétexte d’aller chercher de l’ouvrage.

Quand ils furent hors de portée du camp, ils se précipitèrent sur le roi, et l’étendirent de son long sur le sol.

Le chaudronnier appliqua l’emplâtre, pendant que Hugo empêchait l’enfant de se mouvoir en lui appuyant les mains et les genoux sur la poitrine, sur les bras et les jambes.

Le roi poussait des cris de rage.