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manège pour la troisième fois, il ne put se contenir plus longtemps. Il prit une bûche qui était à ses pieds et la lança à la tête de son insulteur. Hugo roula par terre. L’assistance applaudit, et le roi eut les rieurs de son côté.

Hugo était penaud et furieux. Il ramassa un bâton et se jeta sur son agresseur. Le cercle se ferma autour des combattants. Les paris s’engagèrent. On aiguillonna les adversaires par des cris et des quolibets.

Hugo ne doutait point de l’issue de cette lutte. Il est probable qu’il eût rougi de la pousser plus loin, tant les forces des adversaires paraissaient inégales, s’il n’avait été en ce moment sous l’empire d’une surexcitation augmentée par le dépit.

En réalité Hugo ne savait pas à qui il avait affaire. Le vagabond n’était pas même un bretteur. Novice en escrime, gauche, maladroit, il frappait à tort et à travers.

Or, il avait devant lui le royal élève des maîtres d’armes les plus renommés de l’époque. Édouard n’ignorait aucun secret de l’école, et maniait avec la même dextérité la canne, le bâton et l’épée.

Il fallait voir le petit roi, alerte et gracieux, marcher, rompre, riposter, se rire de la grêle de coups que le gredin prétendait faire pleuvoir sur lui, le corps droit et d’aplomb sur les hanches, les épaules bien effacées, les genoux légèrement ployés, les bras souples et vigoureux, les mouvements libres et calmes, soit qu’il se mît en garde en se développant, soit qu’il attaquât.

Les gueux étaient ébahis, saisis d’admiration. De minute en minute, le bâton dont s’était armé le roi, après qu’il eut jeté la bûche, fendait l’air en sifflant